Peuples d'espoirs

" Aux âmes libres de toutes les nations qui souffrent, qui luttent et qui vaincront "
         dédicace du roman "Jean-Christophe" de Romain Rolland - 1912

Sommaire

Pour avoir consulté plusieurs décisions de justice françaises sur le sujet de "l'abandon de famille" pour défaut de paiement d'une pension alimentaire, je suis en mesure d'affirmer que les magistrats ne font preuve d'aucune rigueur intellectuelle dans les documents que j'ai consultés, et que cela les conduits à de la malhonnêteté vis-à-vis du citoyen.

C'est en ces termes que les magistrats exposent le problème, par exemple dans l'une de ces décisions (c'est moi qui souligne et met en gras) :

« Chaque parent doit contribuer à l'entretien de son enfant
proportionnellement à ses revenus
et en fonction des besoins du dit enfant »

« les besoins de l'enfant ».

Si l'on parle de besoins de l'enfant quand il s'agit de répartir un double financement, il convient en toute logique de les fixer en Euros. Jamais je n'ai lu que ces besoins étaient évalués. On n'en parle même pas.  Donc on ne peut pas savoir à quoi s'applique les proportions de chaque parent. Et donc on ne peut pas savoir le montant qui doit en découler pour la participation de chacun.

« proportionnellement à ses revenus »

Trois décisions que j'ai consultées (prises entre 2007 et 2009 concernant une famille divorcée) montraient qu'un père qui n'a eu strictement aucun revenu personnel pendant quatre ans était obligé de payer une pension. Pourtant son ex-femme a plusieurs sources de revenus au dessus de la moyenne des revenus des français, données non connues du tribunal qui ne s'y est d'ailleurs pas intéressé. Donc où est la recherche de la proportion si l'un des deux revenus n'est pas évalué ?

La première question qui vient à l'esprit, si ce père était obligé de payer une pension alors qu'il n'avait aucun revenu, est comment peut-il faire si ce n'est en s'arrangeant pour que quelqu'un paye pour lui ? On est donc là face à une dérive qui peut avoir des conséquences graves, si le père perd les pédales dans cette situation insoluble. Personne n'est en effet obligé par la loi de payer pour lui.

En l'occurrence, l'épouse de ce père, qui est remarié, gagne 17 000 euros par an et le couple a trois enfants à charge, dont deux orphelins, alors que l'ex-femme a un seul enfant à charge et au moins deux fois plus de revenus. Selon la loi l'épouse actuelle n'a pas à payer cette pension, d'autant plus que le couple est « en séparation de bien ».

La deuxième question est « grosse comme une maison » que signifie proportionnellement ? J'ouvre le petit Robert et je cherche pour les mots proportion et proportionnellement, s'il y aurait un autre sens que scientifique à ces mots, notamment juridique. Aucun autre sens, si ce n'est une allusion, qui ne dénature pas le sens scientifique, aux élections proportionnelles. 

Donc proportionnellement, conformément à ce qu'on apprend dans les collèges français, signifie que quand une des proportions est égale à zéro, le résultat de son application à une valeur est nécessairement égale à zéro.

Sauf pour les magistrats français... qui apparemment parlent un autre français ou auraient un niveau de compréhension du français très discutable et une méconnaissance totale des concepts enseignés aux collégiens. De toute évidence, les magistrats utilisent ce mot comme souvent dans le langage populaire, pour ne pas dire vulgaire, pour désigner une variation qui change dans le même sens qu'une autre, mais sans aucun soucis de mesure et de rigueur. C'est la porte ouverte à "n'importe quoi".

Conclusion

Il résulte de cette analyse que c'est « au pif » que les magistrats évaluent la pension alimentaire qu'un père doit payer. C'est même le règne du double arbitraire, puisque que, non seulement, la proportion n'est pas prise en compte en contradiction avec la volonté du législateur, mais qu'en plus on ne sait jamais à quoi cette proportion doit s'appliquer pour calculer le montant de la pension.

Cet arbitraire ouvre une large voie à toutes les visions idéologiques concernant la famille, le divorce et les rôles respectifs des pères et des mères.

Ce père a refusé d'obliger ses proches à payer pour lui. A partir d'avril 2008 il a pu reprendre le paiement normal et régulier de la pension alimentaire parce qu'il a retrouvé une source de revenus.

Constatant les faits et ne remettant pas en cause l'absence de revenus du père sur la période jugée, le tribunal a condamné en juin 2009 ce père à payer 1200 euros de diverses sommes supplémentaires à son ex-femme et à quatre mois de prison avec sursis, pour « abandon de famille ». Le tribunal a considéré explicitement que puisqu'il avait retrouvé un travail rémunérateur à partir d'avril 2008 et repris le payement de la pension, c'est qu'il pouvait travailler avant et donc implicitement que si, agé de plus de 55 ans au moment des faits, il n'avait plus de travail c'était de sa seule volonté, de sa seule faute ! *

"[...]En l'espèce, la contribution mise à la charge [du père] est particulièrement minime et les besoins de l'enfant, née en 1994, soit ceux d'une adolescente de quinze ans, ne sauraient être exclusivement supportés par sa mère, alors que [le père...] n'était pas dans l'impossibilité de travailler, ni par conséquent de payer une pension mensuelle [...]"

Il y avait pourtant une petite dizaine de témoignages qui confirmaient la bonne foi du père, dont ceux de trois médecins (dont un assermenté devant les tribunaux) et de plusieurs chercheurs et ingénieurs, et trois témoignages familiaux, d'une cousine, de sa soeur et de son épouse. Un tel aplomb dans la mauvaise foi est stupéfiant, car ces magistrats qui ignorent tout de ce père, mais font comme s'il savaient tout de lui, n'ont pour se forger une opinion que le dossier qui montre clairement, quantitativement et qualitativement, qu'il était dans l'impossibilité matérielle de respecter la loi et ce sans autre objection que le fait qu'il n'a pas payé ou l'expression vague selon la mère qu'il aurait "organisé son impécuniosité", sans en apporter la moindre preuve. 

L'avocat a déconseillé à ce père d'aller en cassation parce que « cela ne sert à rien », selon l'expérience de cet avocat. Il semble donc que ce soit la justice française dans son ensemble qui soit en cause dans cette « interprétation de la loi » qui ne respecte pas les décisions du pouvoir législatif. Il conviendrait donc aussi que le pouvoir législatif soit plus autoritaire et souligne clairement ce qu'il entend par le mot "proportionnellement".

Une diplômée de l'université française, de sa famille, a affirmé à ce père que ce serait injuste « mais juridiquement fondé ». Cest absurde. Où est passée l'intelligence et le sens de l'équité des Français, alors que les termes de la loi ne sont clairement pas respectés. On est en pleine idéologie pifométrique qui s'autojustifie par un aveuglement peu courageux, au sein même de la justice et au mépris de sa propre mission.

Comment les citoyens, les avocats, le pouvoir législatif qui a rédigé ces lois, peuvent-ils tolérer cette interprétation arbitraire de la loi par les magistrats sans que le débat ne soit posé ?


On s'étonnera ensuite d'entendre sur France info le 13 octobre 2009 qu'un récent sondage montre que les français ont le sentiment que la justice se détériore :

"Ce sentiment plutôt négatif semble s'être accéléré ces dernières années. 59% des personnes interrogées estiment que la situation de la justice s'est détériorée au cours des dernières années. Ils n'étaient que 53% à avoir ce sentiment en 2004." Lire l'article de France info




*En l'occurence le père concerné par cette décision de justice avait à l'époque plus de 55 ans et travaillait dans la technologie informatique. Voir à ce sujet cet article :
 Les travailleurs IT [américains] de plus de 55 ans connaissent le plus gros taux de chômage, pourquoi les entreprises rechignent-elles à les embaucher ?
Si c'est la réalité aux USA, c'est probablement encore plus vrai en France, car le comportement sociologique des employeurs français est beaucoup plus rigide que celui des employeurs américains.